Viol : Dino Scala condamné à vingt ans de réclusion criminelle

Libération, le 1er juillet 2022

Dino Scala, le «violeur de la Sambre», a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle ce vendredi. Le verdict de la cour d’assises de Douai (Nord) n’a surpris personne. Elle a suivi les réquisitions du parquet, en y assortissant une peine de sûreté des deux tiers, soit un peu plus de treize ans, pendant laquelle Scala, 61 ans, ne pourra pas demander une libération anticipée. Le maximum possible. L’enjeu était ailleurs : la cour allait-elle reconnaître la culpabilité du criminel en série pour les 16 agressions dont il a refusé d’endosser la responsabilité, sur les 56 faits jugés ? Elle l’a fait, pour 14 d’entre elles, et rejeté la culpabilité de Dino Scala dans deux affaires, un viol sur une personne handicapée à Louvroil (Nord) en 2002, et une tentative de viol sur une adolescente de 13 ans à Bachant (Nord), en 2002 aussi, par manque de preuves.

Ce qui désole Clara et Betty, deux des victimes de Scala, qui connaissent bien l’adolescente. «Le commissariat a perdu son pantalon, sur lequel il y avait une tache, souligne Clara. Elle s’est trompée sur la voiture, elle a dit une Clio bleue, mais elle était jeune.» Me Margaux Mathieu, l’avocate de la défense, s’est réservé le droit de faire appel. Elle n’a eu que 2 acquittements sur les 16 qu’elle espérait, même si elle y voit le signe que la cour «a été sensible à la sincérité» de Scala. De son côté, le parquet prévoit de relancer l’examen de 14 dossiers repérés dans les archives, qui pourraient être imputés à Dino Scala. Dans la chronologie des faits, le trou de six ans entre 2012 et 2018, sans aucune affaire, interroge les avocats généraux.

L’homme s’est aussi vu imposer une injonction de soins de cinq ans à la fin de sa détention, au lieu des dix requis par les avocats généraux, avec une interdiction d’habiter dans le Nord. La cour n’a que suivi partiellement Me Margaux Mathieu, quand elle a mis en avant «le diagnostic favorable» des études psychiatrique et psychologique sur le risque de récidive. Les parties civiles ont calculé : Dino Scala a déjà fait quatre ans de détention, il pourrait être libéré dans neuf ans. «Vingt ans, ce n’est pas assez pour lui», regrettent les parents de Betty. «Il n’est pas reconnu comme un violeur en série.» La loi française ne prévoit en effet pas les cumuls de peine dans les affaires de viol : quel que soit leur nombre, le tarif reste le même. «C’est le moment de faire bouger les choses, de revoir cette peine», indique Mélanie, une autre des victimes.

Dino Scala a donc reconnu 40 agressions, dont 7 viols, sur trente ans. Un chiffre rond, qu’il avait annoncé comme objectif dès le début de son procès, il y a trois semaines. Ses avocates, Me Margaux Mathieu et Me Jane Peissel, ont eu raison de le souligner dans leurs plaidoiries : Dino Scala n’a pas été un mur de silence, il a répondu aux questions posées. «La sincérité de monsieur Scala crève les yeux, a insisté Me Mathieu. Il faudrait être fou ou avocat général pour ne pas le voir.» Elle pointe tous les moments où il a donné des détails «très à charge», preuve, selon elle, de sa volonté de clarté. Son «agir prédateur», par exemple, qu’il décrit sans ambages. Elle voudrait qu’on la suive, qu’on le croie jusqu’au bout. Jamais d’agressions l’été, jamais d’agressions le soir. Jamais de cagoule, jamais de gants en cuir. Jamais de moustache, même postiche. Jamais deux dans la même journée. Dino Scala a circonscrit les limites de sa méthode de chasse : en dehors de ce cercle, ce n’est pas lui. La cour d’assises ne l’a pas suivi sur ce raisonnement, elle l’a condamné dès que le modus operandi comportait «la marque Scala» : attaque par-derrière, étranglement soit par une clé de bras soit par un lien, obsession des seins, récurrence des mêmes menaces – «Si tu cries, je te tue.»

Annelise Cau, l’avocate générale, l’avait affirmé avec force : «Il nous appartient de rendre à monsieur Scala toutes celles qu’il appelle “ses victimes”, aux “vies colonisées, envahies” par les angoisses d’agression. Celles qui ont scruté les visages au supermarché pour le reconnaître. Celles qui ne supportent plus qu’on marche derrière elles. On va vous dire qu’il n’a aucun intérêt à contester. Mais il cherche à sauver ce qui reste de sa façade sociale et familiale, lui qui se voit déjà dans le Limousin.» Et son confrère Antoine Berthelot d’enchaîner : «Dino Scala, c’est d’abord une géographie. Son territoire de chasse, c’est le val de Sambre, 30 kilomètres de long sur trois de large. Ce n’est pas ce qu’on appelle un mouchoir de poche.» Voulant ainsi évacuer l’hypothèse de la présence d’autres agresseurs.

La défense a eu beau jeu de pointer les faiblesses des dossiers, surtout les plus anciens : plaintes expédiées sur les procès-verbaux ou carrément disparues au fil des ans. Elle a ironisé sur le «tamis à grosses mailles», évoqué par un policier à la barre. «On a un agresseur, des victimes. Et on va essayer, de façon totalement désespérée, de tirer des fils entre les deux», a plaidé Me Mathieu. 40 victimes, pas plus, selon Dino Scala. Pour les autres, le doute persistera. «La cour m’a reconnue, mais pas lui, a témoigné Valérie. Pour l’instant, je flotte, je n’ai pas de sensations. En même temps, c’est vingt-cinq ans de combat, ça ne peut pas retomber en trois semaines.»