Un imam de Toulouse jugé pour incitation à la haine raciale, six mois de prison avec sursis requis

France Bleu Toulouse, le 29 juin 2021

L’imam du quartier Empalot à Toulouse, Mohamed Tataï, est jugé ce 29 juin pour incitation à la haine raciale envers les juifs. En cause, une polémique de 2018 qui avait ému jusqu’au sommet de l’Etat, un prêche filmé aux interprétations diverses. Le parquet a requis six mois de prison avec sursis.

L’imam de la grande mosquée de Toulouse, âgé de 58 ans, est poursuivi pour incitation à la haine raciale envers les juifs. Le président du tribunal correctionnel rappelle le contexte. 2017, c’est l’année du transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, qui avait suscité beaucoup d’émoi. L’imam Tataï avait déclaré dans son prêche : « Les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres et les rochers et les arbres diront : « musulman, serviteur d’Allah, il y a un juif qui se cache derrière moi, viens le tuer. » (traduction non-officielle).

En début d’après-midi, le tribunal entend un professeur de mathématiques de l’université de Toulouse qui suit les prêches de l’imam Tataï depuis 21 ans. Ce témoin assure que « tout le monde sait que l’imam est très modéré. Je n’en reviens pas qu’on l’accuse d’antisémitisme« . Selon lui, la parole du Prophète (ce qu’on appelle un hadith) lue dans le prêche est « un hadith très connu. Il faut le comprendre comme un signe de ne pas aller vers la fin du monde« . 

L’imam algérien, qui réside en France depuis une trentaine d’années, est appelé à la barre. Venu avec un garde du corps, il est accompagné d’un traducteur et s’exprime en arabe : « Dans aucun de mes prêches je n’ai appelé à tuer des juifs, j’ai confiance en la justice française ».

L’ombre des attentats de 2012

Les plaidoiries des parties civiles débutent. Simon Cohen défend le Crif, la Licra et Ben Gourion, une association cultuelle israélite de Toulouse. « Ce jour-là , dans l’auditoire, il étaient entre « 800 et 3.500, c’est beaucoup » se désole le célèbre avocat toulousain. « La caisse de résonance est énorme, comme une parole révélée que l’on confie« . Simon Cohen replace le prêche dans le contexte en évoquant la tuerie de Toulouse : « au mois de septembre 2017 ici à Toulouse, un homme et une femme se disaient que leur petite fille aurait eu neuf ans (NDLR : treize ans en réalité). Elle avait été tuée dans la cour d’une école juive par ce qu’elle était juive« , en évoquant le cas de la petite Myriam Monsonego, assassinée par Mohamed Merah en 2012.

Michaël Bendavid, avocat de la Licra, rajoute : « la parole d’une ville de France aussi importante que Toulouse a du poids. M. Tataï s’est emparé d’un sujet et l’a traité sous l’angle qu’il a choisi. Il faut qu’il assume« . L’avocat parisien rappelle que dans un prêche de 2015, le religieux toulousain aurait fait référence à un théologien de référence des Frères musulmans, connu pour ses positions antisémites.

Un prêche choisi sciemment

La procureure de la République précise en préambule de ses réquisitions que les lois de la République protègent toutes les croyances. Alix-Marie Cabot-Chaumeton maintient que le prêche a été prononcé devant plus de 3.000 personnes puis diffusé en janvier 2018 par la chaîne Youtube de la Grande Mosquée de Toulouse. Le prêche a été prononcé au sein d’un lieu de culte, et donc dans un lieu public. Pour le ministère public, « l’exhortation à tuer est explicite« . L’imam Tataï a sciemment choisi ce texte et il savait qu’il était filmé. « Le prêche se poursuit par des propos violents guerriers et négatifs concernant les juifs et même LE juif » poursuit la magistrate pour qui il s’agit bien d’une incitation à la haine contre les Juifs. La procureure regrette que le religieux ne donne aucune explication, alors que ses paroles ont une portée importante, y compris pour celui qui est derrière son ordinateur.

La provocation à la haine à l’égard des juifs est donc parfaitement caractérisé pour le parquet qui requiert six mois de prison avec sursis. Il demande l’affichage du jugement aux portes de la mosquée de Toulouse, et la diffusion du jugement dans la presse régionale et nationale. Délibéré le mardi 14 septembre.