Les dessous d’un projet d’assassinat en forêt de Bondy (leparisien.fr)
Une Francilienne de 32 ans vient d’être renvoyée aux assises avec six complices pour un sordide projet d’assassinat. Elle avait engagé un tueur pour supprimer son ex-conjoint, qu’elle accusait de violences conjugales.
Une petite lumière au fond du chemin attire son attention. Ce 26 août 2017, il est aux alentours de 21 h 30 et Jimmy C. se promène dans la forêt de Bondy, côté Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), avec son ex-compagne et leur fils de trois ans. Ils viennent de dîner tous les trois au restaurant. Arrivé à hauteur du halo, le jeune père de famille constate qu’il s’agit de l’éclairage d’un vélo.
Un homme habillé en noir se tient à côté et lève les bras. D’un coup, un éclair illumine les arbres et une forte détonation se fait entendre. « Il m’a dit « Je suis désolé » et il a tiré dans ma direction à une reprise », racontera Jimmy C. aux enquêteurs.
Le coup de feu lui sectionne la colonne vertébrale, le rendant paraplégique avec un taux d’incapacité permanente d’au moins 70 %. Selon les expertises, le trentenaire ne doit la vie sauve qu’à l’enrayement de l’arme. Après presque deux ans d’enquête, sept suspects ont été renvoyés, le 7 juin, aux assises, principalement pour « tentative d’assassinat en bande organisée » et « complicité ».
Trois sont encore écroués. Parmi eux, Amandine S., 32 ans. Soupçonnée d’être la commanditaire du projet, cette jeune femme de Livry-Gargan n’est autre que… l’ex-conjointe de Jimmy C. avec laquelle il se baladait le soir du drame. Selon ses aveux, elle a fomenté ce guet-apens diabolique « pour [qu’elle] puisse revivre, ou vivre tout simplement », ne supportant plus les violences et le harcèlement qu’aurait exercé la victime sur elle. Les six autres accusés sont le tireur, recruté sur contrat, ainsi que cinq intermédiaires, dont le père et le frère d’Amandine S.
Très tôt, les enquêteurs de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis nourrissent des soupçons contre l’ex-petite amie de Jimmy C. Certes, elle a elle-même appelé les pompiers après le coup de feu. Mais pourquoi a-t-elle déclaré à la victime que « c’est de [sa] faute » avant qu’elle ne sombre dans le coma ? Les policiers ne sont pas non plus convaincus par son explication concernant leur escapade forestière nocturne : Amandine S. prétend que Jimmy C. avait un rendez-vous pour un trafic de stupéfiants. Étrange, dès lors, d’y emmener leur enfant en poussette…
« Cela fait longtemps que j’y pensais [à ce projet d’assassinat] », avoue Amandine S. en garde à vue. Elle raconte que sa relation amoureuse avec la victime, débutée à l’été 2011, a commencé à battre de l’aile dès la naissance de leur fils. « Je n’étais pas libre de mes mouvements. Quand je rentrais du travail, je n’avais pas le droit de sortir. […] Il m’humiliait quand on était ensemble », relate la jeune femme aux enquêteurs. Une violence quotidienne – verbale et physique – que semblent corroborer ses quatre mains courantes déposées ainsi que les témoignages de proches et de voisins. Pour sa défense, Jimmy C., déjà condamné pour violences conjugales, explique avoir mal supporté que son ex-compagne mette des obstacles à la visite de son fils.
C’est un mois avant le drame, lors d’un barbecue chez le frère d’Amandine S., que le plan d’élimination de Jimmy C. se concrétise. La commanditaire présumée demande à son frère de la mettre en relation avec des intermédiaires pouvant lui dégoter un tireur à faible coût. « Je savais que ma sœur avait envie de se débarrasser de l’autre », admet l’intéressé en garde à vue. L’un de ces entremetteurs, tombé amoureux de la jeune femme, lui propose de faire appel à une connaissance pour un contrat à 10.000€.
Somme que le père d’Amandine S., mis au parfum, contribue à réunir en vendant la voiture familiale. Durant les préparatifs, les suspects effectuent des repérages, parlent en langage codé… Le complot ? « Des travaux dans la salle de bain ».
« Mon client, sur lequel les autres mis en cause tentent, à dessein, de faire peser l’entière responsabilité, s’expliquera à l’audience », confie Me Chloé Arnoux, l’avocate de l’intermédiaire. « Il regrette sincèrement son implication. »
Âgé de 28 ans, le tireur présumé est lui décrit comme « fragile et influençable ». « Il attend avec impatience de pouvoir s’expliquer devant la cour d’assises. Tous les jours il regrette ce qu’il s’est passé », indique son conseil Me Sophie Rey-Gascon.
Deux expertises psychiatriques ont conclu à une atténuation de la responsabilité d’Amandine S. en raison de sa relation « toxique » avec la victime. Elles relèvent que la jeune femme vivait dans un sentiment de danger. Mais, dans son ordonnance de mise en accusation, le magistrat instructeur se montre plus nuancé, loin d’ériger la suspecte en Jacqueline Sauvage : « Les violences et le harcèlement, s’ils ont pu exister antérieurement, ne sont nullement caractérisés au moment où Amandine S. élabore son projet criminel ». Contactées, l’avocate de la suspecte, Me Nadia Oukherfellah, et celle de la victime, Me Daphné Pugliesi, n’ont pas souhaité s’exprimer.